Liberté de la presse au Tchad: rapport 2007 RSF

TCHAD


Superficie : 1 284 200 km2.
Population : 9 749 000.
Langue : français.
Chef de l’Etat : Idriss Deby Itno.

Tchad - Rapport annuel 2007

Après un épisode de crise entre la presse et le gouvernement, en 2005, la situation semblait s’améliorer à N’Djamena. Mais la reprise des combats, l’état de guerre avec le Soudan et l’intolérance du gouvernement ont porté un dur coup aux libertés. A la fin de l’année, l’état d’urgence a été proclamé. Et avec lui, la censure.

L’année avait bien commencé, après la résolution de la crise de l’été 2005 qui avait vu quatre journalistes être incarcérés à la maison d’arrêt de N’Djamena. Le dialogue entre la presse et le gouvernement avait été renoué. Il avait même donné lieu à une négociation en vue de la réforme de la loi, conformément aux engagements pris, en septembre 2005, par le président Idriss Deby Itno envers Reporters sans frontières. Mais la précipitation des événements politiques, notamment la reprise des affrontements entre rebelles et forces gouvernementales à la frontière du Soudan, puis jusque dans la capitale, ont poussé le gouvernement à prendre la décision absurde et inutile de réinstaurer la censure.

La tension a commencé à s’accroître, à l’automne 2006, lorsque les combats ont repris et que le président Deby Itno a ouvertement accusé le Soudan voisin, base arrière des mouvements armés, d’avoir déclaré la guerre au Tchad. Dans ce contexte, le 27 octobre, Evariste Ngaralbaye, journaliste de l’hebdomadaire privé Notre Temps, a été arrêté et incarcéré pendant quatre jours avec des prisonniers de droit commun. Son arrestation était liée à la publication d’un article traitant des enfants soldats.

Etat d’urgence

Deux semaines plus tard, alors que des affrontements intercommunautaires venaient d’ensanglanter le pays et que des colonnes rebelles avançaient depuis la frontière du Darfour soudanais, le gouvernement a décidé, le 13 novembre, la proclamation de l’état d’urgence dans six régions et dans la capitale. Cette mesure exceptionnelle a inclus le rétablissement de la censure préalable de la presse écrite, ainsi que l’interdiction faite aux radios privées de traiter de sujets sensibles. La presse indépendante, réduite à une poignée d’hebdomadaires paraissant exclusivement à N’Djamena, à quelques radios privées et communautaires, s’est retrouvée par conséquent, fin 2006, sous la stricte surveillance du gouvernement, pendant que des combats se déroulaient dans une grande opacité. Contrainte de paraître, depuis le 13 novembre, amputée de passages entiers et barrée de bandeaux noirs, certaine désormais qu’elle est considérée comme ennemi de l’Etat, la presse écrite de N’Djamena est entrée en résistance, à sa manière.

Après avoir fait paraître plusieurs éditions mutilées, cinq journaux membres de l’Association des éditeurs de la presse privée au Tchad (AEPT), N’Djamena Bi-hebdo, Notre Temps, Le Temps, Sarh Tribune et Le Messager, ont décidé de suspendre leur parution pour quinze jours, à compter du 6 décembre. De fait, seul le quotidien privé progouvernemental Le Progrès a continué d’être publié normalement. Une action en justice contre le décret instituant la censure a été tentée.

Zone de conflit

Le Tchad avait pourtant échappé à un premier black-out de l’information en avril, lorsque des mouvements rebelles avaient attaqué N’Djamena par surprise. Lors de leur avancée, ceux-ci avaient d’ailleurs, eux aussi, considéré les journalistes comme des gêneurs. Eliakim Vanambyl, reporter de la radio privée FM Liberté, a été enlevé par une colonne rebelle, le 11 avril 2006 à Mongo, dans le centre du pays. Il était parvenu à s’échapper quelques heures plus tard grâce à la complicité d’un rebelle et à rejoindre la ville, où des religieux protestants l’ont caché jusqu’à ce qu’il puisse regagner la capitale.

Côte gouvernemental, l’armée avait elle aussi gardé la presse à l’œil. Plusieurs correspondants étrangers ont fait état de pressions et de menaces. Le 15 avril, René Dillah Yombirim, journaliste de la radio publique et correspondant du service en français de la BBC, a pour sa part été sévèrement battu par des soldats alors qu’il interviewait des habitants de N’Djamena, avant d’être relâché quelques heures plus tard.

Enfin, le harcèlement régulier de Tchanguiz Vatankhah, rédacteur en chef de la station communautaire Radio Brakoss et président de l’Union des radios privées du Tchad (URPT), a connu un épilogue que Reporters sans frontières espère provisoire. Arrêté le 28 avril et sous le coup d’un ordre d’expulsion du territoire, ce réfugié iranien vivant au Tchad depuis plusieurs dizaines d’années n’a dû sa libération, le 19 mai, qu’à la pression internationale et à la médiation du ministre chargé des droits de l’homme, Abderamane Djasnabaille. Régulièrement menacé pour son activisme local contre la corruption, déjà arrêté une première fois en septembre 2005, sous prétexte que sa radio avait “ravivé la rancœur entre les différentes communautés rurales en conflit”, ce journaliste avait signé un communiqué de l’URPT demandant le report de l’élection présidentielle du 3 mai. Contraint de démissionner de l’ensemble de ses fonctions, il a toutefois pu rester au Tchad, avec sa famille. Ce qui, étant donné l’acharnement du ministre de la Sécurité publique à son encontre, est déjà une réussite.

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